Journal (archives) - Claude Lavoie Photo

Bavardage photographique

Bavardage photographique (image non disponible)

Mercredi 2008-06-25 :

Coup de chance à Nice. Partout en ville des affiches annoncent la tenue, au Théâtre de la Photographie et de l'Image, de l'exposition Casting de stars : une sélection, par Henri Chapier, parmi les collections de la Maison Européenne de la Photographie, à Paris.

Sur l'affiche, la reproduction d'un portrait noir et blanc, par Bettina Rheims, de Charlotte Rampling : majestueuse dans une élégante robe noire, une main parée de bijoux sur la hanche, l'autre sur le sein, dans la pointe d'un profond décolleté.

La visite de l'exposition est un ravissement. Des oeuvres des plus grands portraitistes : Richard Avedon, Sam Levin, Helmut Newton, Irving Penn, Bettina Rheims et Jeanloup Sieff entre autres. La sélection est d'une justesse incontestable, les tirages sont des chefs-d'oeuvre, et l'accrochage est impeccable. J'avais déjà vu la presque totalité des images dans des publications auparavant, mais la beauté des tirages originaux sur du papier fibre est sans égale. J'ai parcouru les galeries pendant des heures, en admiration devant l'évidente maîtrise, technique aussi bien qu'artistique, de l'exécution, bouche bée devant les grands nus d'Helmut Newton et les quatre contributions de Jeanloup Sieff : des portraits d'Yves Montand et François Truffault, un nu de Charlotte Rampling, et Alfred Hitchcock menaçant, derrière Ina, dans le décor du film Psycho.

Puis, dans une pièce attenante, j'ai visionné des enregistrements de Le Divan, une série télévisée diffusée dans les années 1980, au cours de laquelle Henri Chapier s'entretenait avec des personnalités marquantes des arts visuels. J'ai apprécié particulièrement deux longues conversations avec Bettina Rheims et Helmut Newton.

J'y ai passé plus d'un demi-journée avant de quitter à regret. Quelle chance tout de même d'être en ville pendant cet événement, la plus intéressante exposition photo que j'aie jamais vue.

Dimanche 2008-06-22 :

Je crois me rappeler que Vincent Villano et moi sommes d'abord entrés en contact, il y a longtemps, au sujet d'un livre de photographies qu'il commentait dans son site Web. Au fil des ans, nous avons sporadiquement échangé quelques messages de part et d'autre de l'Atlantique. Jusqu'à ce jour, je ne le connaissais que par ces infréquentes correspondances et les pages de son site, dans lesquelles il mentionnait vivre à Marseille. Quoique j'eus toujours admiré son travail photographique, l'idée ne m'effleura point, au cours de précédents séjours en France et de nombreux passages dans sa ville, de le visiter.

Cette fois, me rendant en train de Lyon à Nice, je planifiai dans l'horaire un battement de quelques heures pour une rencontre. Caméra à la main, il se tenait debout à l'extrémité du quai quand le train entra en gare Saint-Charles.

Nous avons traversé la ville à pieds jusqu'à la rade. Marseille, avec ses façades noircies par les fumées d'échappement des voitures et ses innombrables cafés qui débordent sur des trottoirs à la propreté douteuse, où les habitués palabrent sans fin en sirotant leur café. Une cité brouillonne mais bien vivante, à laquelle le soleil du Sud insuffle une irrésistible vitalité.

Nous choisîmes un restaurant sur le quai et y discutâmes pendant quelques heures de la photographie et de son rapport à la vie : le comment, mais surtout le pourquoi. Parfois nous parlions en même temps, parfois nous observions le silence. Puis ce fut tout à coup la fin de l'après-midi et je dus regagner la gare.

Nous nous serrâmes la main dans le hall, promettant de nous revoir dans le futur, en Europe ou en Amérique. Notre conversation fut un des moments les plus mémorables de mon séjour en France. J'en garde un vif souvenir.

Samedi 2008-06-21 :

À plus de six mille kilomètres de chez moi, adossé à un muret de pierre dont le mortier se délie et à l'ombre d'un marronnier que l'on taille chaque année, se trouve un banc de bois vermoulu qui a déjà été peint en blanc. J'y suis assis, étonné encore de retrouver le jardin comme je l'ai laissé, il y a presque deux ans.

Comme par le passé, je suis venu ici pour le travail . . . mais je n'ai que peu travaillé cette fois. Je le ferai quand je serai reparti chez moi.

Je savoure plutôt le plaisir d'être de retour : converser avec Dominique, toujours enjoué malgré quelques tracas; me promener à bicyclette sur les coteaux couverts de vigne dominant la Saône; visiter les villages qui me sont maintenant familiers; marcher au crépuscule sur l'étroit chemin ombragé qui longe l'Azergues. Des petits bonheurs qui m'ont manqué et que je retrouve avec joie, pour lesquels j'ai préféré demeurer aux alentours plutôt que de courir les régions éloignées.

Et puis je savais qu'il y aurait un temps pour le voyage : j'ai devancé ma bien-aimée de deux semaines; elle vient demain me rejoindre et nous parcourrons ensemble le continent, sac au dos. J'ai donc réduit les bagages au strict minimum; mais ne pouvant me résoudre, en cette ère unanimement numérique, à partir sans pellicule noir et blanc, j'ai tout de même apporté une caméra argentique miniature et quelques rouleaux.

J'ai choisi de ménager mes pas avant d'entreprendre ce périple. Je suis donc venu m'asseoir souvent sur ce banc, à toute heure du jour et quelquefois la nuit, pour bien regarder autour et empreindre ma mémoire du bonheur que j'éprouve à m'y trouver.

Jeudi 2008-06-05 :

Se sentant fatiguée, ma bien-aimée décida de gagner le lit avant même la tombée de la nuit. Désirant demeurer près d'elle, je proposai d'y lire; elle me demanda de lui faire plutôt la lecture. Je calai donc les oreillers contre le mur et, m'étirant le bras, saisis Les Indiscrètes.

J'entamai à voix haute la préface de Christian Caujolle; lentement, les yeux devançant la voix pour ne pas trébucher sur les syllabes difficiles, prononçant avec application les liaisons entre les mots. C'est un élégant texte fluide de six pages, un commentaire pénétrant sur l'art de Sieff.

Après quatre pages, ma fiancée avait la respiration régulière et profonde d'une dormeuse. Je m'arrêtai, gardant deux pages à savourer dans le futur.

Je refermai le livre, le déposai délicatement sur le plancher près du lit, éteignis la lampe, me blottis contre elle et fermai les yeux, dans l'attente paisible du sommeil.

Mardi 2008-05-20 :

Tout au long de la semaine la précédant, je ressentais une nervosité croissante à l'approche de la séance photo d'hier, doutant pouvoir faire, à l'extérieur et en plein centre ville, des images valables sur le thème des arts martiaux.

Pour compliquer encore plus les choses, une pluie froide tombait dru. En dépit des appréhensions et du temps inclément, ce fut une agréable demi-journée : elle est experte en son art, énergique et loquace. Je rentrai chez moi trempé mais content; et plus d'un jour plus tard, je suis encore léger de plaisir.

Les photos sont bonnes, certaines même spectaculaires. On ne sait jamais vraiment à l'avance . . .

Vendredi 2008-05-09 :

Avec la connaissance vient le doute.

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On traite en héros les quelques individus qui ont traversé un océan en solitaire, mais ignore les foules qui ont traversé ainsi leur vie entière.

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Un ami que j'admire, parce que sa clairvoyance ne l'a pas rendu cynique.

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La relation entre «conformisme» et «anonymat» n'est pas que synonymique, elle est aussi causale : du premier résulte le second.

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Le cerveau de Cioran ne se reposait-il donc jamais?

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La patrie de l'un est l'exotisme de l'autre.

Jeudi 2008-04-03 :

Je suis rentré chez moi plus tard qu'à l'accoutumée ce soir : après le travail, j'ai rencontré une danseuse pour lui remettre des tirages d'une récente séance photo; puis je suis passé chez le libraire pour y prendre une commande spéciale arrivée aujourd'hui.

Je suis donc attablé devant un souper tardif que je ne me retiens qu'à grand-peine d'engouffrer. C'est que je n'ai d'attention que pour le livre tout neuf, encore dans son emballage plastique, posé à plat sur la table, juste à droite de mon couvert. Je ne l'ai pas encore déballé : pour prolonger la contemplation de son intacte splendeur et, par masochisme sans doute, exacerber la hâte d'en parcourir le contenu.

Les indiscrètes, photographies inédites de Jeanloup Sieff. J'ai commandé le livre de France dès sa parution en janvier dernier (on l'annonçait depuis plus d'un an). Le libraire a appelé cet après-midi pour faire savoir que l'ouvrage venait tout juste de débarquer de notre côté de l'Atlantique.

Un beau livre. Sur la couverture, la photo d'une dame dans une robe de soirée noire; le corsage, dégrafé aux épaules, retombe en dénudant tout son dos et une partie de sa poitrine. Mais comme elle croise les bras sur ses seins, l'image est décente. L'arrière-plan gris a été surexposé au tirage pour dessiner un halo autour d'elle. Très sieffesque : des noirs d'encre et un contraste élevé; un hommage à la beauté des femmes, respectueux, sans familiarité.

Sitôt fini ce repas je préparerai du thé, irai m'asseoir sous ma lampe préférée, couperai délicatement l'emballage en sa partie supérieure, en extrairai le livre et, après avoir soigneusement replié l'emballage, soulèverai avec déférence la couverture . . .

Maintenant, si vous voulez bien m'excuser . . .

Jeudi 2008-03-06 :

La séance avait été agréable et productive : elle était enjouée, créative et sérieuse. Et quoique le programme comportât des difficultés techniques appréciables, les photos étaient bonnes.

J'étais donc pressé de lui montrer les résultats lorsque j'entrai dans le café où nous avions convenu nous rencontrer. Mais dès mon arrivée à la table à laquelle elle était déjà assise, je sentis que la légèreté que je lui connaissais s'était envolée. Elle feuilleta les tirages et fit quelques commentaires, mais son attention n'y était pas toute. Nous eûmes bientôt fait le tour des photos.

Nous avions dans le passé parlé de nos vies respectives; elle avait alors mentionné son bonheur d'enseigner à une classe d'adorables enfants du primaire. Je m'enquis de son travail.

Son coeur se déversa : elle éprouvait depuis quelques semaines un malaise croissant, à un point tel qu'elle ne dormait plus la nuit. Elle ne parvenait plus à supporter le poids de la routine; son quotidien lui semblait devenu prévisible et sans relief.

Elle avait démissionné deux jours auparavant, et d'autres tourments l'assaillaient depuis : la culpabilité d'abandonner les enfants qu'elle aimait et la direction de l'école qui lui avait fait confiance, le doute sur sa capacité de tenir un engagement, et une estime d'elle-même chancelante. J'étais des rares à qui elle avait fait part de sa décision; craignant leur réaction, elle n'avait encore rien dit à ses parents et amis.

Puis elle se tut. Sa tristesse était sincère et profonde, et je m'inquiétai pour elle. J'offris quelques mots de réconfort et demandai ce qu'elle comptait faire.

Au cours de précédents voyages, elle s'était liée d'amitié avec des maraîchers qui exploitaient une petite ferme, à l'autre bout du continent. Elle y avait été heureuse; quoique le travail fût exigeant, la vie y était plus simple que dans notre métropole. L'aide était toujours bienvenue sur la ferme, et il y avait un petit cabanon dans lequel elle pourrait s'installer pour l'été. Comme le printemps est plus hâtif sur la côte ouest, elle projetait sauter dans un autobus dès les premiers jours d'avril et traverser en quatre jours tout le pays pour les rejoindre.

Nous discutâmes un peu plus son projet, puis marchâmes vers la station de métro. Nous nous quittâmes sur le trottoir; sa voix n'était plus qu'un filet et elle baissa les yeux lorsque nous nous serrâmes timidement la main. Je n'ai pas eu de nouvelles d'elle depuis.

Je salue son courage, et espère que le bonheur l'attend là-bas, à cinq mille kilomètres de l'endroit où la vie l'a erronément déposée. Je souhaite que son coeur, au cours de la traversée des prairies en direction des montagnes, se vide de toute la tristesse qui l'habite, préparant une place pour la paix qu'elle recherche et trouvera peut-être à destination.

Mardi 2008-02-26 :

Au début du mois, ma fiancée et moi avons pris la route pour aller visiter ma mère. Journée froide, chute de neige abondante, vent cinglant sur la plaine. En bordure de l'autoroute, à peine sorti de Montréal, un stoppeur agitait un petit drapeau français dans le blizzard. Nous l'avons fait monter.

Il s'appelle Jean-Paul, il est Normand. Il vient en Amérique presqu'à chaque année, depuis près de deux décennies, pendant quatre ou cinq semaines. Toujours seul, toujours au creux de l'hiver, toujours en stop (on dit ici «sur le pouce», en référence au doigt qu'on agite au passage des voitures), avec pour tout bagage un sac à dos à peine plus gros que celui qu'on emporte pour une randonnée d'un jour.

Il nous a raconté ses visites antérieures et décrit le parcours projeté cette fois. Après avoir bavardé sur cinq cents kilomètres, nous l'avons déposé devant la porte d'une auberge, à Jonquière.

Peu d'étrangers nous visitent en hiver; encore moins pour se promener en bohème quand la neige et le vent rendent les routes difficilement praticables. Intrigués et ravis de sa témérité, nous avons souvent parlé de lui les jours suivants, nous demandant comment se déroulait son périple.

Il est repassé par Montréal hier et nous l'avons joint pour un repas. Il nous a montré ses photos et raconté des anecdotes. En ces mois tranquilles, les contacts sont plus faciles; il rencontre donc beaucoup de gens et il lui arrive toutes sortes d'aventures. Puis il a déplié une carte d'Amérique sur laquelle il compile tous ses déplacements : au fil des ans, il a parcouru une bonne partie de l'Ontario et sillonné le Québec et les provinces maritimes dans tous les sens. Il aime le froid et la neige, et projette aller encore plus au nord dans le futur.

Comme nous, Québécois, sortons peu l'hiver (si ce n'est à destination des plages des Antilles), il en connaît plus que nous sur l'art de voyager dans notre propre pays en cette saison.

Nous l'avons surnommé «le harfang des neiges», en référence à cette grande chouette blanche qui vit dans l'extrême nord du pays, mais vient se réchauffer chez nous au plus froid de l'hiver. Plus l'hiver est rigoureux sous les hautes latitudes, plus elle est alors abondante ici; mais son plumage blanc la rend presqu'invisible sur un arrière-plan de neige.

Jean-Paul et le harfang des neiges fréquentent en hiver les mêmes parages.

Dimanche 2008-02-10 :

Il règne dans le métro, tôt le dimanche matin, une atmosphère spéciale, comme si la torpeur de la nuit précédente s'attardait dans le jour qui suit pour envelopper de calme les passagers peu nombreux.

Des pratiquants dans leurs plus beaux habits, missel en main; des familles entières, assises en silence, imprégnées de la solennité de la cérémonie à laquelle elles se rendent.

Des adolescents affalés sur leur siège, les pieds posés sur le rebord de la banquette voisine, bras croisés, yeux fermés, tête inclinée vers l'avant, le menton sur la poitrine. Certains rentrant à la maison, épuisés après une longue nuit de festivités; d'autres se rendant au travail, encore ensommeillés d'avoir été tirés trop tôt du lit.

Un échantillon d'humanité en état de relaxation.

Samedi 2008-02-09 :

J'ai franchi le cap du demi-siècle. J'ose croire que les années m'ont apporté un peu de sagesse sous certains aspects; je reconnais cependant qu'elles ne m'ont été d'aucun bénéfice dans d'autres.

Je n'attends plus des choses ou des gens qu'ils changent. Non par fatalisme; par réalisme. Je n'ai pu au fil des ans me changer moi-même, même avec la meilleure volonté. Il serait également futile d'y croire chez les autres.

Je prends conscience un peu plus chaque jour de tout ce qui reste à faire en si peu de temps. Et l'agitation me gagne : plutôt que le calme, c'est l'urgence que je ressens. Je surcharge mon horaire pour gagner en productivité, mais tout avance si lentement et exige tellement de temps. Cette quête dynamise l'esprit, mais épuise le corps.

Je connais bien mes buts, suis plus déterminé à les atteindre, et mieux capable de reconnaître si ce que je trouve est bien ce que je recherche. Et parfois, quand je regarde derrière, je ressens un peu de satisfaction de quelques modestes accomplissements. De cela, je suis reconnaissant.

Peut-être est-ce ce à quoi toute expérience acquise se résume ultimement.

Jeudi 2008-01-31 :

Si un génie m'accordait trois voeux :

Bon, ça fait trois?

Samedi 2008-01-12 :

On me complimente parfois pour des photos, m'attribuant le mérite de leur agrément.

Cela me rend mal à l'aise. Non que je sois de nature modeste, loin de là : il m'est flatteur d'entendre que mon travail puisse plaire, et les éloges résonnent comme musique à mes oreilles (bien que je tente de n'en laisser rien paraître).

Mon inconfort provient plutôt de la conviction que ces louanges me sont erronément adressées. Ce sont les modèles qui font la photo bonne; les compliments leur sont donc destinés. En leur absence, je les reçois en leur nom; mais ils ne sont pas miens.

Le rôle du photographe est certes important. Il requiert, en plus de l'enthousiasme qui soulève et anime, une panoplie d'habiletés personnelles et techniques à toutes les étapes, du recrutement des modèles jusqu'à l'encadrement des tirages, en passant par la chambre noire. Ce rôle d'interprète n'en demeure pas moins subsidiaire; ce sont les modèles qui insufflent aux photos un peu de leur âme.

Plutôt que l'auteur de l'oeuvre, le photographe est l'agent qui fait concourir les volontés et les circonstances desquelles elle naît. C'est lui qu'on félicite, faute de mieux, de même qu'on félicite un jardinier pour la beauté des roses, comme s'il en était le créateur.

Mardi 2008-01-08 :

Je constate un regain d'intérêt pour le violoncelle. Alors qu'on ne le croisait que rarement dans la rue, il s'y balade maintenant, fréquemment et sans gêne, au dos des musiciens. Et il a gagné en assurance : insatisfait des seconds rôles auxquels on le reléguait naguère au sein des petits et grands ensembles, il exige dorénavant être aussi entendu en solo.

D'aucuns en attribueront la cause à son registre qui, ni aigu ni grave, discret mais posé comme la voix d'un ami, apaise et rassure. Ils n'ont qu'en partie raison.

Le rythme de nos vies s'accélère. Nous fonçons, tête baissée, faisant parfois fausse route. Le violoncelle, observateur effacé au milieu du tourbillon, souligne subtilement nos dérives.

Sa pratique en position assise réaffirme, en cette époque étourdie de vitesse, la préséance de la réflexion sur l'action, la seconde n'étant sans la première que vaine précipitation. Et puis sa stature et sa forme lui confèrent une présence presqu'humaine, un réconfort bienvenu en ces temps de solitude : l'appui de son dos contre le ventre de l'instrumentiste n'évoque-t-il pas le tendre enlacement de deux amoureux?

L'homme et l'instrument se ressemblent, comme s'ils avaient en leur essence des aspirations communes. Quand le premier les oublie, le second les lui rappelle.

Je propose aux violoncellistes que je croise de faire des photos pour ce site. Peut-être seront-elles regroupées à l'intérieur d'un portfolio propre au violoncelle et autres instruments de sa famille, qui s'intitulerait «Violoncelle : en hommage à l'instrument et aux musicien(ne)s qui l'accompagnent» (ou vice versa).

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